Fusions-acquisitions et smart contracts

Abdoulaye Diallo
3 min readMar 9, 2022

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Les fusions-acquisitions représentent un domaine du droit des affaires dans lequel l’usage des smart contracts est peu discuté. Cette situation s’explique mal tant les opérations prenant place dans cet univers se prêtent bien à une automatisation sur blockchain.

Pour rappel, une blockchain peut être définie comme une infrastructure publique et décentralisée dans laquelle chacun peut transférer numériquement de la valeur sans intermédiaire. Un smart contract est un programme déployé dans une blockchain pouvant servir à prévoir les modalités selon lesquelles cette valeur sera transférée.

Précisément, le fonctionnement du smart contract ressemble à celui du mécanisme connu du séquestre ou de la fiducie : des actifs (appelés cryptomonnaies ou tokens qui peuvent représenter des devises ou des droits) sont confiés à un “robot” chargé de les garder, gérer, et délivrer dans des conditions précodées. Contrairement au séquestre humain, un smart contract est infaillible (sauf bugs), travaille jour et nuit et peut se constituer en quelques minutes.

Or, les fusions acquisitions sont le théâtre de nombreuses opérations de séquestre. Les garanties de passif, par exemple, sont souvent mises en œuvre avec l’aide de tiers-fiduciaire : le vendeur d’une entreprise confie une certaine somme d’argent à un tiers, qui la remet (en totalité ou partie) à l’acheteur dès lors qu’est révélé un passif (des dettes), postérieurement à la cession.

Smart contract d’une clause de earn-out

Un autre processus, courant des fusions-acquisitions, faisant souvent intervenir un tiers-fiduciaire est celui de la clause de “earn-out”, ou d’ajustement de prix. Cette clause vise à indexer une partie du prix de cession d’une entreprise à ses résultats futurs.

Imaginons un rachat de société. L’acheteur s’entend avec le vendeur pour lui verser le prix de cession en deux fois :

  • une partie fixe immédiatement après la conclusion du contrat,
  • et une autre partie qui correspondra à un pourcentage du chiffre d’affaires de l’entreprise dans deux ans

Plus l’entreprise performe et mieux sera payé le vendeur (et plus cher paiera l’acheteur). De cette façon, les parties au contrat seront assurés d’avoir acheté et vendu l’entreprise à sa juste valeur (et cet accord aura potentiellement permis de débloquer des négociations sur le prix).

Cette clause pourrait être opportunément codée en smart contract de la façon suivante :

  • Après avoir déterminé le montant maximal de la portion variable du prix, la somme serait versée en stablecoins (euros tokenisés par exemple) dans un smart contract qui les tiendrait en séquestre.
  • A la date d’expiration de la clause, le smart contract récupérerait le montant du chiffre d’affaires de l’entreprise cédée (information quérable sur des API ou qui peut être fournie par un expert-comptable) et transférerait le pourcentage convenu de ce CA vers l’adresse du vendeur.

Ainsi déployé sur une blockchain, le mécanisme de cette clause de earn-out aurait pour double effet de garantir extrêmement fiablement l’exécution de la clause ; et cette assurance ne coûterait pas le prix de constitution d’une fiducie auprès d’un avocat ou d’une banque.

Les avantages ne s’arrêteraient pas là. Les fonds séquestrés par le smart contract pourraient être automatiquement placés dans un protocole de finance décentralisé, comme Aave ou Curve, afin de générer des intérêts (pouvant s’élever à 20% par an sur des stablecoins euros).

Ces intérêts générés pourraient être automatiquement versés à l’acheteur et/ou au vendeur, en temps réel, c’est-à-dire littéralement à mesure qu’ils sont générés. De sorte que le capital immobilisé n’empêcherait nullement les parties prenantes de bénéficier immédiatement des fruits du placement.

Lien vers le smart contract.

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